La 10e édition de la conférence internationale « Our Ocean » (OOC) a mis en lumière un engagement financier sans précédent de 133 milliards de dollars au cours de la dernière décennie, signalant une transformation majeure vers une économie océanique durable. Ce financement considérable, destiné à des projets cruciaux liés à la préservation marine, à l’économie bleue et à la transition énergétique, ouvre de nouvelles perspectives d’investissement pour les investisseurs institutionnels et les entreprises axées sur la finance durable et la responsabilité sociale des entreprises (RSE).
Un rapport du World Resources Institute (WRI), publié en parallèle à la conférence, révèle que plus de 2 600 engagements, représentant une valeur estimée à 160 milliards de dollars, ont été pris depuis la création de l’OOC en 2014. Fait notable, à janvier 2025, 43 % de ces projets sont achevés et 38 % sont en cours, ce qui témoigne d’une dynamique d’action et d’un intérêt croissant pour les solutions durables. Cette décennie d’engagements souligne non seulement l’urgence de protéger nos océans, mais positionne également l’économie bleue comme un moteur de croissance économique durable et d’opportunités d’investissement transformatrices.
L’océan : une nouvelle frontière pour les investissements ESG et la RSE
L’analyse du WRI met en évidence un changement significatif dans l’allocation des capitaux, avec 86,8 milliards de dollars, soit la majorité des fonds mobilisés, dirigés vers des projets climatiques liés aux océans. Ces investissements stratégiques comprennent l’éolien offshore, le carbone bleu, le transport maritime vert et la restauration des écosystèmes côtiers. Il est important de noter que treize engagements climatiques dépassent chacun le milliard de dollars, ce qui démontre le potentiel d’investissement à grande échelle et la confiance croissante dans les solutions océaniques pour atténuer le changement climatique.
Ces initiatives répondent directement à la demande croissante du marché pour des investissements qui non seulement génèrent des rendements financiers, mais qui répondent également à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) rigoureux. En intégrant les considérations ESG et les principes de la RSE, les investisseurs peuvent atténuer les risques, améliorer la performance de leur portefeuille et contribuer à un avenir plus durable. L’océan, avec ses ressources vastes et variées, offre une multitude d’opportunités d’investissement qui correspondent à ces objectifs, ce qui en fait une frontière prometteuse pour les investisseurs socialement responsables.
Combler le déficit de financement : un appel à l’action pour une économie océanique durable
Malgré les progrès significatifs réalisés, le rapport du WRI souligne un écart de financement important. Pour atteindre l’Objectif de Développement Durable 14 (Vie aquatique) des Nations Unies d’ici 2030, les besoins de financement sont estimés à 175 milliards de dollars par an. Les engagements annuels actuels ne parviennent pas à répondre à ce besoin critique, ce qui souligne la nécessité d’une action urgente et d’une collaboration accrue. Le rapport souligne également le rôle essentiel des solutions océaniques dans la lutte contre le changement climatique, estimant qu’elles pourraient contribuer jusqu’à 35 % des réductions mondiales nécessaires de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 1,5 °C.
À l’approche de la COP30, les experts appellent à une intégration plus forte des océans dans les politiques climatiques mondiales et les cadres de financement durable. Les investisseurs ESG et les entreprises engagées dans la RSE sont de plus en plus conscients du potentiel de l’océan en tant qu’actif stratégique qui offre non seulement des avantages environnementaux, mais aussi des opportunités économiques à long terme. La transition vers une économie océanique durable nécessite une approche à multiples facettes qui implique des partenariats entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile.
Aires marines protégées : catalyseurs de l’innovation et de la croissance économique durable
L’impact de l’OOC s’étend au-delà du financement, avec une expansion notable des aires marines protégées (AMP). Plus de 8,5 millions de km² ont été protégés grâce aux annonces faites lors des conférences, représentant 42 % de toutes les AMP mondiales, selon les données de l’Université d’État de l’Oregon. Ces zones protégées ne sont pas seulement essentielles à la conservation de la biodiversité, mais servent également de catalyseurs pour l’innovation et la croissance économique durable.
Les AMP offrent une gamme d’opportunités d’investissement, notamment la valorisation du capital naturel, le développement de l’écotourisme durable et la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature (SFN). Ces initiatives non seulement génèrent des rendements financiers, mais contribuent également à la préservation à long terme des écosystèmes marins et des communautés locales. Alors que les investisseurs donnent de plus en plus la priorité aux facteurs ESG, les AMP apparaissent comme un élément essentiel de l’économie bleue durable, offrant un modèle d’harmonisation de la conservation de l’environnement avec les objectifs de développement économique.
Débloquer les opportunités d’investissement dans les marchés émergents
Le rapport du WRI souligne le potentiel inexploité des marchés émergents, en particulier en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud. Ces régions offrent d’importantes opportunités d’investissement dans le développement d’infrastructures maritimes durables, le renforcement des chaînes de valeur bleues et la création d’emplois verts. Pour les investisseurs en capital-investissement et les fonds souverains qui cherchent à diversifier leurs portefeuilles et à générer des rendements à long terme, ces marchés présentent des perspectives intéressantes.
Cependant, il est essentiel d’aborder les défis uniques et les risques potentiels associés à l’investissement dans ces régions. Une collaboration et une coordination efficaces entre les parties prenantes locales et internationales sont essentielles pour assurer le développement durable et la gestion responsable des ressources océaniques. En outre, un dialogue et une coordination continus avec d’autres forums internationaux, tels que la Conférence des Nations unies sur l’océan, sont essentiels pour harmoniser les efforts et maximiser l’impact des engagements volontaires.
Un appel à l’action : mobiliser les investissements pour une économie océanique résiliente
Le Dr Tom Pickerell, responsable mondial du programme océanique au WRI, a souligné le rôle central des océans dans la lutte contre le changement climatique et la réalisation des objectifs de développement durable. « Il est temps de saisir le potentiel des océans comme moteur d’action climatique et de développement durable », a déclaré le Dr Pickerell. « Nous devons mobiliser des investissements importants dans des solutions océaniques évolutives qui peuvent assurer des chaînes d’approvisionnement durables, améliorer la résilience climatique et générer à la fois des rendements environnementaux et économiques. »
La Dr Dionysia-Theodora Avgerinopoulou, envoyée spéciale du Premier ministre grec pour les océans, a fait écho à ce sentiment, soulignant l’importance de l’engagement du secteur privé dans la transition vers une économie océanique durable. « Des initiatives d’écotourisme durable aux projets d’énergie renouvelable, il est clair qu’un développement économique dynamique et des océans sains peuvent et doivent aller de pair », a déclaré la Dr Avgerinopoulou.
Recommandations stratégiques pour catalyser les investissements ESG dans l’économie bleue
Pour accélérer la transition vers une économie océanique durable et maximiser l’impact des investissements ESG, le rapport du WRI présente plusieurs recommandations stratégiques :
- Accroître l’engagement du secteur privé et des investisseurs institutionnels : encourager la participation active des investisseurs dans la conception et la mise en œuvre de projets à impact qui génèrent à la fois des rendements financiers et des avantages environnementaux et sociaux mesurables.
- Améliorer la transparence et la responsabilité : établir des cadres de reporting solides et tirer parti des plateformes numériques pour suivre les progrès, mesurer l’impact et assurer la transparence dans l’allocation et l’utilisation des fonds.
- Promouvoir les partenariats multipartites : favoriser la collaboration entre les gouvernements, les entreprises, les organisations non gouvernementales, les communautés locales et les institutions universitaires afin de mettre en commun l’expertise, les ressources et les réseaux.
- Explorer des mécanismes de financement innovants : étudier la faisabilité et le potentiel des instruments financiers innovants tels que les obligations bleues, les swaps dette-nature et les mécanismes de financement mixte afin de mobiliser des capitaux privés et d’atténuer les risques d’investissement.
- Renforcer la coordination et l’harmonisation : améliorer la coordination entre les différentes initiatives et plateformes internationales afin d’éviter les doublons, d’aligner les efforts et de maximiser l’impact collectif des investissements dans l’économie océanique durable.
En adoptant ces recommandations, la communauté mondiale peut libérer tout le potentiel de l’océan en tant que moteur de croissance économique durable, d’intendance environnementale et de progrès social. La transition vers une économie océanique durable présente une occasion unique de créer un avenir plus prospère et plus résilient pour les générations à venir, tout en générant des rendements financiers attrayants pour les investisseurs qui privilégient les principes ESG et les pratiques commerciales responsables.