Le dernier Rapport sur la Menace Écologique 2025 (ETR), publié par l’Institut pour l’Économie et la Paix (IEP), place la Tunisie parmi les pays ayant enregistré la plus forte dégradation environnementale au monde entre 2019 et 2024.
Avec un score global ETR de 2,604, la Tunisie ne figure pas parmi les nations les plus menacées en valeur absolue — le Niger détient le pire score avec 4,420 —, mais elle affiche la plus forte détérioration écologique sur cinq ans parmi les 172 pays et territoires analysés.
Crise hydrique et infrastructures défaillantes : les racines du problème
Cette dégradation rapide résulte d’une hausse dramatique du risque hydrique, accentuée par la sécheresse prolongée, des températures records et la raréfaction des précipitations.
L’IEP souligne également l’impact d’une année de référence (2019) jugée « exceptionnellement favorable », ce qui accentue statistiquement la chute du score sur la période 2019-2024.
En 2024, toutes les zones infranationales tunisiennes sont classées à risque moyen en matière d’eau, avec un score hydrique national de 2,754. Mais neuf des vingt zones les plus touchées du pays ont vu leur menace écologique croître fortement, en particulier la Manouba, qui enregistre la deuxième plus forte hausse mondiale du risque écologique.
Manouba et Bizerte : épicentres de la dégradation écologique
Selon les analyses de l’IEP, le gouvernorat de Manouba est celui qui a connu la plus forte détérioration du score ETR entre 2019 et 2024, même s’il ne détient pas le pire score en 2024.
Le gouvernorat de Bizerte reste le plus exposé du pays, mais les différences entre régions demeurent limitées : tous les gouvernorats tunisiens affichent des niveaux de risque global “moyens” et des détériorations similaires.
Cette homogénéité s’explique par un facteur clé : la densité de population. Plus la pression démographique est élevée, plus l’impact sur les écosystèmes est fort. Ainsi, les zones côtières et du nord, plus peuplées, figurent parmi les plus dégradées écologiquement.
Des réseaux vétustes et des pertes massives d’eau
Le rapport met en lumière un sous-investissement chronique dans les infrastructures hydrauliques tunisiennes. Près de 30 % de l’eau potable distribuée est perdue à cause de fuites dans les canalisations. Face à la sécheresse et aux vagues de chaleur, le gouvernement a imposé des coupures d’eau allant jusqu’à dix heures dans certaines régions. L’Observatoire tunisien de l’eau (OTE) a recensé plus de 2 100 interruptions non annoncées d’approvisionnement au cours de la dernière année.
Une tendance régionale inquiétante en Afrique du Nord
La situation tunisienne s’inscrit dans une dynamique régionale alarmante : le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) enregistrent la plus forte hausse du risque écologique entre 2019 et 2024.
La Tunisie, l’Algérie et le Maroc ont vu leur situation hydrique se dégrader rapidement, passant de conditions relativement favorables à des risques moyens ou élevés, en raison de sécheresses prolongées, de vagues de chaleur et de précipitations irrégulières.
Une évaluation fondée sur quatre menaces écologiques majeures
L’Indice ETR mesure les menaces selon quatre dimensions interdépendantes :
- Le risque hydrique (Water Risk)
- L’insécurité alimentaire (Food Insecurity)
- L’impact des événements naturels (Impact of Natural Events)
- La pression démographique (Demographic Pressure)
En combinant ces facteurs, le rapport dresse un diagnostic global des pressions exercées par l’homme sur les écosystèmes et de la capacité des États à y faire face.
L’IEP, un observatoire mondial de la paix et de la durabilité
Basé à Sydney, avec des antennes à New York et dans plusieurs capitales, l’Institut pour l’Économie et la Paix (IEP) est un think tank international indépendant spécialisé dans la mesure de la résilience, de la paix et de la durabilité environnementale. Son Rapport sur la Menace Écologique 2025 constitue aujourd’hui une référence mondiale pour comprendre les liens entre climat, infrastructures et stabilité socio-économique.

